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Orangina, la saga de la petite bouteille ronde

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Tout le monde connaît la petite bouteille ronde et jaune en forme d’orange et à la surface granulée. Elle renvoie à la boisson pulpeuse / gazeuse « Orangina » (de type soda), élaborée à partir de jus d’agrumes concentrés (indissociable de ses célèbres slogans publicitaires : « Il faut secouer Oranginnaaa, sinon la pulpe, elle reste en bas » ou encore « Secouez-moi, secouez-moi… »). Mais la genèse du célèbre soda « Made in France » reste plus méconnue.

Image illustrative de l’article Orangina

Elle remonte à l’automne 1935, à la Foire de Marseille, lors de la rencontre entre un certain Léon Beton (producteur pied-noir d’huiles essentielles) et un énigmatique pharmacien espagnol, le Dr Augusto Trigo Miralès. Ce-dernier y présente la formule d’une orangeade, dont la recette séduit vivement le pied-noir. En s’en inspirant, Léon Beton lance une boisson améliorée prête à boire en 1936 (destinée au marché algérien), alors baptisée « Orangina, soda de la Naranjina ».

En 1947, Jean-Claude Beton (1925-2013) reprend l’affaire à son père Léon, à l’âge de vingt-six ans. Charismatique et publicitaire hors-pair, Jean-Claude Beton fait preuve d’un réel talent commercial, organisationnel et se fait progressivement une place sur le marché français des sodas. Il lui revient le mérite d’avoir remporté le pari de vendre aujourd’hui plus d’un milliard de bouteilles sur les cinq continents, en dépit de sérieuses difficultés, sur lequel son développement a sérieusement échoppé au début.

La saga Orangina, c’est également et surtout l’histoire d’une marque très créative publicitairement parlant (radio, presse, affichage, cinéma), associée à de nombreux talents (Jean Giraudy, Bernard Villemot, Jean-Paul Goude…), à l’origine de son succès. La célèbre marque a toujours été à la pointe de l’innovation, aussi bien dans le conditionnement (pack de six bouteilles en verre perdu, canette métallique de 33 cl en France), que dans les déclinaisons (« light », « + », « sanguine »…). 

Après avoir rejoint le groupe Pernod-Ricard en 1984, la marque s’éloigne petit à petit de l’esprit familial des origines, suite au départ de Jean-Claude Beton (1990). Après diverses acquisitions, l’entité Orangina Schweppes est rachetée par le groupe japonais Suntory en 2009, mais la production de la marque reste cependant localisée en France. 

Situé à la seconde place du marché hexagonal des boissons non alcoolisées (derrière Coca-Cola), à la première sur le marché des boissons gazeuses aux fruits, le célèbre soda hexagonal à la petite bouteille ronde est aujourd’hui commercialisé dans plus de cinquante-trois pays, à travers le monde. Injustement méconnue, la saga de la célèbre boisson pulpeuse / gazeuse mérite ainsi d’être ici relatée.

Aux sources d’Orangina

A l’automne 1935, Léon Beton, producteur pied-noir d’huiles essentielles et propriétaire d’une orangeraie à Boufarik (petite ville agricole de la Mitidja) traverse la Méditerranée pour rendre visite à son frère installé en métropole, dans la cité phocéenne. A cette occasion, il se rend par curiosité à la Foire de Marseille. Cette manifestation annuelle se déroule de la fin du mois de septembre au début du mois d’octobre, au Parc Chanot. S’y retrouve artistes, artisans et exposants venus du monde entier. Sans qu’il le sache encore, cette visite fera basculer son destin et celui de sa famille. Il y découvre par hasard le stand d’un énigmatique pharmacien espagnol, le Dr Augusto Trigo Miralès.

Logo de la foire.

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Originaire de Valence (en Espagne), ce-dernier y présente la formule d’une orangeade dont il est l’inventeur, la « Naranjina » (« petite orange » en espagnol), suivant un certain procédé, permettant de conserver le jus d’orange plus longtemps. Qui consiste à mélanger un concentré de jus d’orange à de l’eau gazéifiée. Le tout est conditionné dans une bouteille granuleuse et ventrue en forme d’orange avec en guise de bouchon, une fiole renfermant de l’huile essentielle d’orange. Elaborant et commercialisant, en Algérie alors française, des huiles essentielles de lavande et de géranium, Léon Beton s’intéresse également aux jus de fruit, possédant une orangeraie à Boufarik.

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Il s’interroge sur de potentiels débouchés à la production d’oranges de sa région, la Mitidja (alors située dans l’un des départements français d’Algérie), concurrencée à l’export par les oranges d’Andalousie. Immédiate- ment séduit par l’innovante recette, le visionnaire Léon Beton achète à l’inventeur espagnol le droit de commercialiser la « Naranjina » dans les départements français d’Algérie. Il croit au réel potentiel de cette boisson. « Un jour, se dit-il, nous connaîtrions la formule qui permettra de boire le jus de nos oranges aux quatre coins du monde… ».

Orangina Algérie orangeraies

 Récolte des oranges (Algérie française, 1920)

La personnalité du Docteur Augusto Trigo reste relativement énigmatique, son patronyme n’évoquant rien, du moins en France, et étant encore moins associée à la célèbre boisson pulpeuse / gazeuse (certes modifiée et inspirée de la recette originale). Pharmacien de profession, mais également industriel et homme politique, le Docteur Trigo fait évoluer la formule de la Naranjina, en créant une nouvelle boisson sans bulles dans les années 1940, le TriNaranjus. Mais il n’a pas été spolié en vendant sa meilleure création à Léon Beton. Car il n’était pas un commercialisateur dans l’âme et il n’aurait jamais su conquérir le marché français.

De son côté, le Docteur Trigo continue ensuite à vendre la Naranjina en Espagne, qui y connaît un petit succès (existante encore aujourd’hui). Mais les deux boissons, à savoir Orangina et la Naranjina restent très différentes. De retour à Boufarik, dans la Mitidja (à 14 km de Blida et 35 km au sud-ouest d’Alger), en s’inspirant de la recette, Léon Beton lance en 1936 une boisson améliorée prête à boire baptisée « Orangina, soda de la Naranjina ».

En 1937, le premier stand Orangina se tient à la Foire d’Alger. Alors âgé de onze ans, Jean-Claude Beton y accompagne son père, se contentant d’observer. Cela marque le début officiel de l’incroyable aventure de ce soda « Made in France », né en Algérie et inspiré de la recette d’un pharmacien espagnol, Orangina faisant date dans l’histoire du « soft-drink » international. Ainsi avant « d’être une boisson internationalement reconnue, consommée à plus de 300 millions de litres par an », Orangina est un produit aux racines méditerranéennes, « un zeste espagnol, un zeste algérien », tel cela est dépeint dans un article des Echos. « C’est l’histoire d’une boisson d’origine espagnole, algérianisée qui est devenue française », tel le résume Jean-Claude Beton (1925-2013).

Destinée au marché algérien, cette boisson est ainsi produite dans la Mitidja. Cette plaine subblitorale de 1 300 km² (située à 35 km au sud-ouest d’Alger) est détenue aux 4 / 5 par les pieds-noirs, depuis les débuts de la colonisation (1830), jusqu’à l’indépendance de l’Algérie (1962). Initialement une plaine marécageuse, elle fut drainée par les colons et intégrée à l’économie spéculative coloniale. Léon Beton souhaite alors mettre en valeur le patrimoine de sa vallée et de la Mitidja, qui est alors considérée par la colonisation comme l’un de ses fleurons.

La marque est secouée par la guerre d’Espagne (17 juillet 1936-1er avril 1939), suivi de la seconde guerre mondiale, qui interrompent provisoirement son développement. Dix ans plus tard, Léon Beton n’a pas oublié la Naranjina et son dérivé, « Orangina, soda de la Naranjina ». En 1947, il négocie avec le pharmacien espagnol l’achat de la recette, la propriété de la marque et le concept, rebaptisée Orangina, en France et dans son empire colonial (essentiellement au Maghreb).

OranginaOrangina pamplemousse

« Orangina, soda de la Naranjina » (1937), « Orangina » (1947)

Les débuts en Algérie française (1947-1951)

Le Docteur Trigo envoie un contremaitre valencien à Léon Beton pour lui enseigner la recette de son orangeade. La même année, Jean-Claude Beton (1925-2013) reprend le flambeau à son père, qui se retire définitivement. Il est alors fraîchement diplômé en agronomie et a terminé son service militaire en Allemagne (dans le secteur d’occupation française). Malgré son jeune âge, il décide à son retour en Algérie de relancer la marque Orangina, s’appuyant pour cela de l’aide de ses deux oncles maternels Lucien et Edmond Derai, lesquels lui avancent avec son père les fonds nécessaires. Il reprend l’affaire dans le berceau familial, à Boufarik, aux abords de la plaine de la Mitidja où prolifèrent les orangeraies et en 1951, à l’âge de vingt-six ans, il crée « Naranjina Nord-Afrique ». 

Jean-Claude Béton à la droite du Docteur Trigo

Léon Beton, Jean-Claude Beton, Augusto Trigo Miralès

Persuadé du potentiel commercial de cette boisson, du fait de la médiocre qualité des produits distribués à cette époque, il en redessine la bouteille, lui conférant cette forme unique d’orange (en 1951), inchangée depuis. Il en fait un atout commercial en dépit de ses handicaps initiaux, pour se lancer à la conquête des marchés algérien (et des pays voisins du Maghreb), puis français (métropolitain). Les débuts sont néanmoins difficiles pour Jean-Claude Beton qui doit relever trois défis : faire accepter aux cafetiers la bouteille boule, la vive concurrence et le manque de notoriété pour tout nouvel arrivant. 

Produit à Boufarik, Orangina est conditionné et distribué depuis l’Algérie dans les fameuses bouteilles rondes (boules), suivant une formule commerciale sensiblement similaire à Coca-Cola. Jean-Claude Beton fournit ainsi le concentré qu’il fabrique, à partir d’une formule dont il a le secret, à deux embouteilleurs situés à Boufarik, les Ets Marin et les Ets Montserrat. Il leur accorde les licences de fabrication et de distribution d’Orangina en Algérie. Cela lui permet de se déployer rapidement sur plusieurs territoires à la fois, en ne disposant en propre que d’une infrastructure légère. Il s’efforce de mettre en oeuvre des méthodes commerciales modernes, Jean-Claude Beton percevant tout de suite qu’il doit s’attacher à gérer sa marque et sa communication.

Les concessionnaires embouteillent et livrent les points de ventes, participant aux investissements. Il les encadre, les motive et les encourage à diffuser, mettre en place le produit en priorité dans les bars, les stades, les casernes, les bals et d’une façon générale en toute circonstance possible, lors de fêtes populaires, des évènements sportifs ou culturels. Il faut partout occuper le terrain et être visible par le consommateur. Sympathique, doté d’un fort charisme et d’un sens relationnel incontesté, Jean-Claude Beton est vite adopté par la profession. De surcroît, les nombreux producteurs d’orange de la région voient en lui et en son entreprise un nouveau débouché pour écouler les récoltes et développer la production. 

Après avoir implanté avec succès sa marque en Algérie, au Maroc puis en Tunisie, il décide de traverser la Méditerranée. A partir de 1953, Orangina se lance à la conquête de la France métropolitaine et de son marché intérieur. Ce-dernier est alors en pleine émulation face à la déferlante des boissons gazeuses souvent synthétiques : Coca-Cola, Vittel Délices, Evian fruité, Fruidam, Pschitt (orange et citron), Vérigoud (dit « le soda des pieds-noirs », né également en Algérie en 1954), Crush… 

Les trois grandes marques de boissons sucrées et gazeuses sont alors Coca-Cola, Schweppes et essentiellement les sodas nés des grandes marques d’eau minérale. Dans l’après-guerre, la marque Coca-Cola a engagé une offensive commerciale (à partir de 1949), sur le marché hexagonal. Elle a été contrée ou du moins contenue, pendant quelques années (jusqu’au milieu des années 1950), par les producteurs de jus de fruits français, qui intentèrent même un procès (qui sera perdu) à Coca-Cola pour la production de produits dangereux pour la santé. 

Pour l’anecdote, cela s’accompagne du soutien ferme et résolu du Parti Communiste Français, luttant alors contre le Plan Marshall (1948-52) et l’influence américaine plus globalement. Un film de propagande du PCF représente ainsi un cafetier jetant dehors un représentant de Coca-Cola. La marque Coca-Cola essaye alors de s’implanter dans l’hexagone, disons en se francisant (à l’image d’une publicité d’époque représentant une bouteille de Coca-Cola avec en arrière-plan le vieux port de Marseille, en ombre chinoise).

La conquête de la France métropolitaine (1953)

Pour pénétrer le marché français, Jean-Claude Betton choisit de s’appuyer sur le réseau traditionnel des limonadiers, puis sur des concessions nouées à Paris, Strasbourg et Lyon. Il signe un accord de distribution en France métropolitaine avec les sociétés Fruidam à Paris, Denni à Strasbourg, Milles à Perpignan et la Rhodanienne de boissons à Marseille (créée à l’occasion par lui-même). Ce qui donne à la marque une stature nationale. Proposant alors une recette non pasteurisée, sans acide nitrique, ni colorant, Orangina apparaît comme le concurrent non favori. Provenant toujours d’Algérie, les jus sont acheminés dans des fûts de châtaigniers avant d’être mis en bouteille ronde et consignée dans les cafés. 

Dans l’après-guerre, le goût change et les boissons sucrées et gazeuses sont en vogue. A l’amertume des boissons alcoolisées traditionnelles s’ajoute la douceur des sodas et à cette période, beaucoup de boissons à l’orange sortent (Pschitt, Vérigoud…). Mais Orangina est une boisson particulière. Car en-dehors de la singulière petite bouteille ronde, c’est une boisson naturelle à l’orange (de couleur jaune et non orange, car sans colorants). La bouteille est boudée par les cafetiers et les embouteilleurs avec sa forme ventrue et granuleuse (évoquant le fruit de l’oranger). Elle constitue un handicap par rapport au petit volume des réfrigérateurs et à la dimension des chaînes d’embouteillage. De surcroît pour les cafetiers, la pulpe colle aux parois des verres nécessitant l’emploi d’un deuxième bac dans le lave-vaisselle. 

Lorsque l’on se sert de l’Orangina, on a de la pulpe au fond du verre (d’où est né dans les années 1970 le fameux slogan « Secouez-moi », détournant un potentiel inconvénient). Tel l’analyse Jean-Claude Beton, dans un entretien aux Echos : « En face de nous, c’était la déferlante des boissons synthétiques, avec Pschitt, Vittel Délices et surtout Coca-Cola. Nous, nous proposions une boisson naturelle complètement à contre-courant, faite à partir de jus d’orange, pasteurisée, sans acide nitrique ni colorant. Forcément, personne ne s’est méfié de nous, raconte Jean-Claude Beton. D’ailleurs, nous avions tout contre nous : à cause de sa forme, la bouteille était difficile à embouteiller, ne tenait pas dans le frigo, et la pulpe qui collait aux verres faisait pester les bistrotiers »

Mais Jean-Claude Beton persiste et signe, persuadé du potentiel de la petite bouteille ronde, retournant ses inconvénients de naissance en arguments commerciaux. Il ne désarme pas : « Notre seule chance, c’est la confiance que nous avons dans cette petite bouteille ronde qui est, n’en doutons pas, la meilleure trouvaille des boissons françaises depuis la fin de la guerre. La seule chose que nous ayons à faire, c’est d’en convaincre tous les consommateurs ». En 1952, Jean-Claude Beton fait la rencontre déterminante du publicitaire Jean Giraudy, par l’entremise de Roger Desruol du Tronçay, alors propriétaire et fondateur des jus de fruit Fruidam (Société des Fruits d’Amérique).

logo de Giraudy

Jean Giraudy (1904-2001) est un pionnier de la publicité, alors à la tête d’un puissant réseau national d’affichage. En 1927, il reprend l’entreprise créée par son père (en 1911), spécialisée dans l’affichage publicitaire extérieur et il développe le concept de « publicité routière », permettant à la réclame de s’afficher sur les pignons d’immeubles, sur le bord des chemins ou des routes. Jean Giraudy ne se retire des affaires qu’en 1982, ayant été longtemps un acteur majeur des médias en France. Il cède sa société à Europe 1, qui s’associe alors à Publicis, groupe de communication fondé en 1926 par Marcel Bleunstein-Blanchet (1906-1996), autre génie de la publicité. 

Cependant à l’époque, Jean-Claude Beton dispose de peu de moyens pour lancer sa marque. Jean Giraudy lui propose de ne payer sa campagne d’affichage qu’en fin d’année, suivant un tarif tenant compte de l’augmentation des volumes de vente, par rapport à l’année précédente et indexé sur le prix du concentré d’orange. Cette marque de confiance explique la fidélité de Jean-Claude Beton au publicitaire Jean Giraudy, durant toute sa carrière. Ainsi dans les années 1960, Jean-Claude Decaux (créateur du spécialiste du mobilier urbain JCDecaux, en 1964) tente d’approcher Jean-Claude Beton. Mais il ne parviendra jamais à décrocher un contrat avec Orangina (sauf en 1976, JCDecaux offrant une campagne abribus gratuitement).

Jean Giraudy invente alors le slogan « Orangina, mieux qu’un soda » pour Jean-Claude Beton. Il lui présente Bernard Villemot, peintre affichiste avec qui le jeune industriel sympathise, lui ayant alors demandé de lui proposer la maquette d’une future affiche. Il faut qu’y figure en gros plan la petite bouteille ventrue et la formule « à la pulpe d’orange ». Orangina est un soda composé d’une certaine teneur en jus et en pulpe d’agrumes (12 % de jus d’orange et de clémentine, 2 % de pulpe de fruits et d’huiles essentielles). Mais en proportion inférieure au seuil légal fixé (25 %). Car la loi française interdisait de dessiner des fruits sur un contenant comportant moins de 25 % de jus de fruits. 

Bernard Villemot (1911-1989) représente la fameuse bouteille, qui a la forme et la couleur du fruit. Ce qui détourne ainsi habilement la règlementation, interdisant aux sodas de représenter le fruit dans leur publicité ! Pour compléter le portrait de cette bouteille-orange, Bernard Villemot crée une identité visuelle en ajoutant une table de bistrot, un verre avec une paille, un zeste d’orange en guise de parasol, le tout sur fond bleu. L’idée explique en partie le succès de l’affiche, de la boisson, qui s’avère simple, novatrice et ingénieuse. 

C’est à partir de la première affiche (1953) de Bernard Villemot (premier prix de la publicité), qu’est créé le logo actuel (l’écorce d’orange), ayant évolué au fur et à mesure des époques. Le zeste d’orange stylisé et l’intégration d’Orangina sont devenus l’emblème de la marque. L’affiche publicitaire restera une des marques de fabrique de Jean-Claude Beton, qui se présente « comme le limonadier de la brousse algérienne ». Ce sont ainsi plus de vingt-cinq affiches qui verront le jour, signés Bernard Villemot.

 dans Agro-alimentaire

« Orangina, mieux qu’un soda » (Villemot, 1953)

Pendant trente ans, le dessinateur a décliné des écorces d’oranges en soleil, parasol, maillot de bain ou boucles d’oreilles, la collaboration n’ayant pris fin qu’à son décès en 1989. En dépit de débuts commerciaux hasardeux, suite à la première campagne d’affichage (1953), la marque se développe et se constitue progressivement une place dans le marché hexagonal, un article d’une page lui étant consacrée, la même année, dans « Paris-Match ».

En parallèle, les campagnes anti-alcool instiguées par Pierre Mendès-France (1956) ont pu jouer un rôle, dans une mesure relative, dans le succès d’Orangina. Les années 1950 sont une période de lutte contre l’alcoolisme avec « le petit verre de lait dans les écoles » (du vin étant alors servi dans les cantines, l’alcool étant formellement banni du menu des lycées, en 1981). Ce mouvement anti-alcool a pris une importance d’Etat, alors que le professeur Robert Debré prévient des dangers de l’alcoolisme. 

A cette époque, quelques affiches de cette campagne anti-alcool représentent une copie du parasol de Villemot, soulignant l’importance de boissons non-alcoolisées pour la société du loisir et des vacances. Toutes les campagnes publicitaires d’Orangina sont marquées par le soleil, la N7 conduisant à Marseille et trouvant inévitablement Orangina sur sa route, avec des plages espagnoles, puis languedociennes représentées sur les affiches. On prend le goût de la boisson fraîche et sucrée, associée au « jeunisme ». Les réfrigérateurs se multiplient à cette époque-là, Orangina se buvant très frais. Se développe la dimension culturelle du fait d’être jeune, de vouloir le rester ou le paraître, Orangina s’y associant.

Cela passe par tout un réseau de cafetiers-limonadiers qu’il faut travailler avec des représentants, et qui « ont résisté d’abord, puis ont beaucoup aidé ensuite », contribuant à la diffusion d’Orangina, tel l’explique Jean-Claude Beton dans un entretien. La commercialisation est accompagnée de célèbres slogans publicitaires, signés Jean Giraudy : « Orangina mieux qu’un soda »,  »Source de santé »,  »Source de beauté ». Avec son sens inné de la commercialisation, Jean-Claude Beton embauche des employés ou des étudiants pour commander des Orangina dans les cafés. Le défi est relevé avec succès, Orangina se buvant sur les terrasses des Champs-Elysées dès 1953. 

Dans les années 1950, les petites bouteilles rondes commencent à fleurir sur les tables des cafés français, le premier terrain de conquête du soda, dont le goût d’orange fait durer l’été toute l’année. De surcroît, les grandes surfaces n’existaient pas et la publicité à la télévision non plus. On ne trouvait pas (ou très rarement et très peu) de sodas chez les épiciers. Il fallait se rendre au troquet du coin pour trouver de l’Orangina, en commander au comptoir ou à emporter. En 1954, la guerre d’indépendance éclate en Algérie, la production se poursuivant à Boufarik tant bien que mal. En 1956, Jean-Claude Beton installe la Société Rhône Orangina à Marseille. 

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Les années 1955-60 sont celles de la réelle percée d’Orangina dans l’hexagone. Les appelés et militaires de carrière revenus d’Algérie rapportent eux aussi cette mode en métropole. « L’Algérie a joué un grand rôle dans la notoriété de la marque : ce sont les corps expéditionnaires français qui ont été les meilleurs commis voyageurs d’Orangina puisqu’une fois rentrés en France, après 1962, ils ont voulu acheter la boisson qu’ils avaient bue là-bas pendant plus de cinq ans », rappelle le fondateur.  En 1957, Orangina franchit le cap des 50 millions de bouteilles vendues et en 1959, une franchise est ouverte à la Réunion (avec la société Chane-Hive, située à Saint-Pierre). 

« Orangina à la pulpe d’orange, gazéifié, pasteurisé, sans colorant » (1956)

Le repli de la marque en France métropolitaine (1961)

A la suite du développement d’Orangina en métropole, « Naranjina Nord-Afrique » devient la « Compagnie Française des Produits Orangina » (CFPO) et le siège social est rapatrié à Marseille, en février 1961. Après l’indépendance algérienne (5 juillet 1962), la source d’agrumes et l’élaboration de la boisson reste provisoirement en Algérie. Mais la production est entièrement relocalisée en France (fermeture des usines de Boufarik), en 1967, le gouvernement algérien et l’ambassade de France ne garantissant plus les investissements nécessaires. Présente sur le marché algérien jusqu’à la fin des années 1980, Orangina y a d’ailleurs quasiment disparu, au début des années 1990, y ayant subi de plein fouet l’ouverture aux sodas Coca-Cola et Pepsi, outre la concurrence des marques algériennes Hamoud ou Selecto.

Logo Orangina années 60

Logo Orangina (années 1960)

En 2003, une nouvelle usine Orangina ouvre ses portes à Blida, inaugurée par le ministre algérien de l’Industrie, l’ambassadeur de France et Jean-Claude Beton. Ce-dernier revenait alors en Algérie pour la première fois, depuis 1967 et tel le rapporte un témoin, « lorsqu’il a visité son ancienne usine et vu ses anciens ouvriers, il en a eu les larmes aux yeux ». Une vingtaine de familles sur la centaine de personnes travaillant dans l’ancienne distillerie suivent Jean-Claude Beton, en 1967, jusque dans la cité phocéenne. Marseille constitue le point d’ancrage idéal pour recevoir les concentrés d’orange fabriqués alors à Alger et au Maroc, en tant que plus grand port de la Méditerranée.

« Orangina à la pulpe d’orange. Boisson gazéifiée, pasteurisées, sans colorant » (1966)

C’est en direct de Phocée que se poursuit la folle épopée, Orangina « symbolisant les liens historiques toujours vivaces entre la cité phocéenne et l’Algérie », tel le présente un article des Echos. Orangina réussit ainsi le pari de se détacher de son étiquette notamment de « soda des pieds-noirs » (à l’image de Vérigoud, qui disparaîtra). La boisson évolue avec son rapatriement en métropole vers une image essentiellement associée à la plage, au soleil, aux vacances et à la jeunesse. La marque Orangina a cinq attributs, qu’elle a toujours gardé : la bouteille ronde, le produit avec la pulpe, le secouement, la zeste de Villemot et toute la communication autour…

Installé au 14, rue de Crimée, dans le quartier dit de la Belle de Mai, à Marseille (3e arrondissement), Orangina déménage ensuite pour Vitrolles, puis aux Milles, y implantant le centre de concentrés de jus d’agrumes. Aujourd’hui, les sites d’importation de la matière première se sont étendus à sept pays différents, produisant les 130 000 tonnes d’oranges nécessaires à la fabrication des concentrés. L’élaboration d’Orangina nécessite la production annuelle de 4 500 hectares d’orangeraies et plus d’un milliard d’oranges, au travers cinq variétés. Chacune comporte des caractéristiques en matière de goût, de teneur en sucres, d’acidité, de couleur, de luminosité et de texture.

« Orangina… « fruitillante »… à la pulpe d’orange » (1967)

Le savoir-faire d’Orangina réside dans l’art d’assembler plusieurs variétés d’agrumes venues d’Europe, d’Afrique, d’Amérique et d’Asie. Inchangée depuis les années 1930, la formule restée secrète ne sort pas des murs de l’usine de Signes (Var), près de Toulon. Y sont effectués depuis 1989 les assemblages destinés à l’élaboration du fameux concentré final. Quelques 12 000 tonnes en sortent chaque année, avant d’être réexpédiées chez les embouteilleurs à l’étranger ou dans leurs propres usines du groupe, qui le mélangent à l’eau sucrée puis gazéifiée, selon le procédé traditionnel.

« Orangina : guéridon, maquette d’affiche » (1970)

« Orangina » (1970)

De sa première campagne d’affichage (1953) aux campagnes télévisées des années 1990 et 2000-10, c’est avant tout la publicité, ses multiples innovations commerciales, qui ont fait la renommée d’Orangina. La marque doit ainsi son succès à un zeste de talent publicitaire. Dans les années 1960, Jean-Claude Beton organise des caravanes publicitaires à travers la France et communique sur tous les médias (radio, presse, affichage, cinéma). Il s’intéresse à la publicité télévisée dès ses commencements et réalise en 1969 son premier encart.

« A la pulpe d’orange fruitillante ! Orangina » (1967)

Il travaille avec de grands noms pour la création de films publicitaires à succès. En 1972, après le tandem Giraudy / Villemot, il fait la rencontre du « second bon génie publicitaire de la marque » en la personne de Georges Petit, fondateur de l’agence Publi-Service (Havas). Ce-dernier dit à Jean-Claude Beton : « Vous avez un défaut et on va faire de ce défaut une qualité ». Georges Petit transforme la particularité d’Orangina (la pulpe déposée au fond de la bouteille), en faisant un atout d’un inconvénient potentiel avec les slogans : « Il faut secouer Orangina, sinon la pulpe, elle reste en bas »« Il faut secouer la bouteille d’Orangina pour bien mélanger la pulpe d’orange » ou encore « Secouez-moi, secouez-moi ».

« Fruitillante Orangina à la pulpe d’orange » (1970)

De jeunes et célèbres réalisateurs effectuent leurs débuts avec la marque Orangina (Jean-Jacques Annaud, Jean-Paul Goude ou plus tard Alain Chabat avec son célèbre homme-bouteille), sans oublier le pianiste Michel Berger et sa ligne mélodique « O-ran-gi-na ». En 1972, Orangina produit un premier film publicitaire, « Le Tic du barman », réalisé par Jean-Jacques Annaud et Pierre Etaux.

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« Le Tic du barman » (Jean-Jacques Annaud et Pierre Etaux, 1972)

Orangina transforme un de ses défauts, le dépôt de la pulpe dans la bouteille, en un avantage concurrentiel et une arme publicitaire. La communication de la marque y utilise le secouement sur le mode didactique : « Il faut secouer la bouteille d’Orangina pour bien mélanger la pulpe d’orange ». Ce slogan permet de transformer un défaut de la boisson en un « plus » produit. C’est le début d’une longue saga publicitaire. En 1975, Orangina vend 500 millions de bouteilles. Pour accompagner la montée en puissance de la grande distribution, dans les années 1970, Jean-Claude Beton lance de nouveaux conditionnements, outre la célèbre bouteille inchangée depuis sa création (1951).

                           

« Orangina à la pulpe d’orange fruitillante… » (1972)    « Orangina… toujours à la pulpe d’orange, 12 % de jus de fruit » (1978)

De retour d’un voyage aux Etats-Unis, Jean-Claude Beton lance le pack de six bouteilles en verre perdu, qu’il a découvert là-bas, le « cluster pack » (1968), puis la première canette métallique de 33 cl en France (1978), à la distribution couverte par quatorze usines (près de Lyon). Il est préciser qu’encore aujourd’hui, seule la boisson vendue en bouteille de verre est la recette originale (sans conservateur), la conservation étant assurée par pasteurisation. Tandis que celle vendue dans les autres types de conteneurs est légèrement différente. Toujours à la pointe de l’innovation, Orangina est la première marque à lancer le « light » en France (1988), avant les décrets d’application (première boisson française aux édulcorants de synthèse).

« Orangina light » (1989)

Dans les multiples versions déclinées, on peut citer le marché du « Plus » de vitamines et de fructose créé par la marque (en 1991), les déclinaisons de couleur rouge, à base d’oranges sanguines et de guarana (en 1996), Orangina Plus (en 1998), « Les Givrés » (1999), Orangina Zéro (en 2016) et la recette originale allégée en sucre et toujours sans colorants artificiels (en 2020). De l’état liquide à l’état solide, le pas est également franchi (en 2001) avec des glaces fruitées. Au fil des années, l’entreprise évolue sur le plan organisationnel et à partir du début des années 1980, elle s’éloigne progressivement de son fonctionnement plutôt familial.

Canette Orangina220px-Orangina

De l’intégration au groupe Pernod-Ricard à nos jours

En 1981, suite à un rapprochement opéré avec Jean-Claude Beton, le groupe Pernod-Ricard (autre société marseillaise) acquiert la marque Orangina, en gérant désormais l’embouteillage et la distribution. En 1984, le groupe Pernod-Ricard acquiert la totalité de l’entreprise (le 14 janvier 1985 exactement). Bien qu’en restant directeur-général, Jean-Claude Beton cède ainsi son groupe pour un montant estimé entre 500 et 800 millions de francs à Pernod-Ricard, alors co-pilote mondial du secteur (avec Bacardi-Martini), souhaitant se diversifier.

logo de Pernod Ricard

« La stratégie de Pernod-Ricard est essentiellement défensive », à l’époque, selon un analyste du secteur agro-alimentaire. Sous l’impulsion de Michel Fontanes, son nouveau PDG, Orangina étend son domaine de distribution au monde entier, intégré à un grand groupe mondial, ce qui marque les débuts de l’internationalisation de la marque. C’est l’année de la consécration, vu sous un certain angle, mais cela marque un tournant dans l’histoire d’Orangina, s’éloignant petit à petit de l’esprit familial des origines.

Logo Orangina années 80

Logo Orangina (années 1980)

« Orangina » (1983)

En 1987, la célèbre publicité « La Piscine » de Jean-Paul Goude rencontre un vif succès, mettant en scène une serveuse précisément au bord d’une piscine, l’objectif atteint étant de rendre la boisson Orangina plus attrayante auprès des 18-24 ans. Toujours en 1987, Jean-Claude Beton est consacrée « homme de l’année », à l’âge de soixante-deux ans dans la presse quotidienne marseillaise, devançant par exemple le président de la chambre de commerce et d’industrie de la ville.

« Orangina » (1986)

Orangina a alors un chiffre d’affaires annuel de 240 millions de francs et fait tourner vingt-cinq usines dans le monde, employant sept cent personnes en France, dont deux cent en Provence. En 1989, diplômée de Sup de Co de Marseille, Françoise Beton (fille du fondateur) a l’idée de capter l’air en vogue du moment et de la lier à la marque dans les publicités de l’époque. C’est le parrainage musical de « La Lambada » en partenariat avec TF1 (véritable tube estival). La consommation d’Orangina est visible dans le film (ensuite interdite par le CSA).

« Orangina rend hommage à Villemot. Exposition restrospective de ses oeuvres de 1945 à 1987. Espace Cardin » (1987)

Les meilleures ventes dans toute l’histoire de la marque s’échelonnent sur les quatre années qui suivent la lambada. La musique a toujours été une composante importante de la marque, à partir de la première annonce télévisée (1972), puis avec les fameuses quatre notes O-ran-gi-na inventées par Michel Berger (1975). Orangina est également la première marque à co-produire une émission de télévision sur une chaîne d’Etat (support du générique de l’émission « Cocoricoboy » de Stéphane Collaro en 1985, sur TF1). 

C’est également la première à sponsoriser différents évènements sportifs : le Tour de France à la voile en 1987, le tournoi de Roland Garros en 1983 ou les stations estivales ou de ski. La marque a toujours en tête cette relation directe avec le public. En 1994, l’humoriste des Nuls et producteur Alain Chabat renouvelle le ton des campagnes publicitaires, en signant l’inoubliable saga des hommes bouteilles et le spot « le flipper ». En 1996, avec le spot publicitaire et le slogan « mais pourquoi est-il aussi méchant ? Parce que… », la boisson trouve son public d’adolescents avec ce pastiche de film gore.

Orangina pub un zeste de goreOrangina un zeste de gore

« Le flipper », « Mais pourquoi est-il aussi méchant ?… » (Alain Chabat)

Cette saga déjantée des hommes-bouteilles sera cependant arrêtée en 2013, les personnages dans les spots de publicité captant l’essentiel de l’attention au détriment de la marque et du message, phénomène connu sous le nom de vampirisation publicitaire. En 2003, le slogan de la marque devient « Orangina et sa pulpe ! » avec une campagne publicitaire conçue et interprétée par l’humoriste Jamel Debbouze. En 2008, c’est le lancement de la nouvelle campagne publicitaire avec les animaux anthropomorphiques (la girafe, l’ours et la biche) et en 2015, celui de la publicité « Shake the World ». 

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Image illustrative de l’article Orangina

Campagnes publicitaires « Les animaux », « Shake the world »

En 1990, Jean-Claude Beton se retire à l’âge de soixante-cinq ans, souhaitant prendre du recul. Il devient administrateur du groupe Pernod Ricard et président d’honneur d’Orangina, cédant son fauteuil à Michel Fontanes et s’adonnant à d’autres activités. A la tête de sa société Forbees, il se consacre désormais à son domaine de quatorze hectares, acquis en 1988 (« Château Grand Ormeau »), dans l’appellation Lalande-de-Pomerol, dans le Bordelais, près de Libourne, en Gironde. Il gère aussi son eau de toilette NEA, ainsi que sa plantation d’oliviers près d’Aix-en-Provence, dans laquelle il a investi et où il a ses quartiers d’été.

« Orangina » (2002)

Jean-Claude Beton est l’auteur de trois livres : L’Aventure Orangina, Les Fruits de mes passions, en 2005, éditions ALMA, et Le Goût des autres, 2008, éditions Jeanne Lafitte, Marseille. Père fondateur d’Orangina (avec son père Léon Beton) et réel développeur de la marque, Jean-Claude Beton décède à l’âge de quatre-vingt-huit ans, le lundi 2 décembre 2013. Il lui revient le mérite d’avoir remporté le pari de vendre aujourd’hui plus d’un milliard de bouteilles sur les cinq continents, les attributs de la marque constituant plutôt initialement un handicap.

Françoise Beton, fille du fondateur, après une carrière au sein du groupe Orangina, prend sa succession à la tête de son Château dans le Bordelais, en janvier 2008, la boucle étant bouclée. Le divorce avec la famille Beton est ainsi définitivement prononcé en 2004, accompagné du départ de plusieurs collaborateurs dont Raymond di Giovanni et Jacques Pfister. La marque s’éloigne définitivement de son esprit familial originel, tel l’analyse Françoise Beton :  « Depuis le rachat par Schweppes, l’esprit, l’ADN de la marque n’y est plus. Ce n’est pas le même état d’esprit. Maintenant les choses ont évolué avec la nouvelle équipe mise en place autour de Thierry Gaillard (PDG) et de Stanislas de Gramont (directeur Europe). »  

« C’est vrai que je n’y suis plus mais je la vis cette marque ! Les gens sont attachés à cette bouteille boule en verre, cette notion de secouement, cette pulpe. C’est devenu un geste culte, un rituel. Le génie de Léon et Jean-Claude Beton est d’avoir fait de cette marque un produit, reconnaissable en quelques signes par le consommateur. Son identité est tellement forte qu’il faut à peine une seconde pour reconnaître la marque », ajoute-t-elle dans un entretien.

En 1998, une tentative de rachat par Coca-Cola échoue, le ministre de l’Economie et des Finances français de l’époque (Dominique Strauss-Kahn) ayant apposé son véto. En 1999, un nouveau logo est adopté. En 2000, le groupe Pernod-Ricard, possédant également l’entreprise Pampryl, regroupe ses deux filiales en une seule et donne naissance, le 2 avril, au groupe Orangina-Pampryl. En 2001, l’entité Orangina-Pampryl est acquise pour 700 millions d’euros par le Groupe Cadbury-Schweppes, le Conseil de la concurrence ayant de nouveau refusé son rachat par Coca-Cola. En 2003 et 2004, le siège d’Orangina est transféré d’Aix-en-Provence à Levallois-Perret pour regrouper les activités de Schweppes et d’Orangina. 

Après son rachat en 2006 par les fonds d’investissements Lion Capital LLP et Blackstone, l’entité Orangina-Schweppes est acquise pour 2,6 milliards d’euros par le groupe japonais Suntory en 2009. La production d’Orangina reste cependant localisée en France. L’embouteillage est depuis 2011 assuré par l’Européenne d’embouteillage. Avec quatre usines dans l’hexagone, dont une dans le Vaucluse, l’entreprise française est devenue la filiale sous-traitante du groupe Orangina Suntory. Fin mars 2012, Orangina est lancé sur le marché japonais dans une version modifiée, emmené par une campagne publicitaire avec Richard Gere en vedette.

En 2014, Thierry Gaillard (né en 1965) prend la tête de la marque (resté jusqu’en 2019, désormais à la tête de Carambar & Co). La marque a alors été chamboulée par différents achats successifs et ce-dernier est décidé à la relancer, en allégeant la hiérarchie. En 2015, Orangina compte 1 500 salariés en France et réalise 700 millions d’euros de chiffre d’affaires (au sein du groupe japonais Suntory, réalisant 22,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2016).

logo de Suntory

En 2017, Orangina Suntory France croît sur un marché des sodas en ralentissement (- 0,9 %) avec un chiffre d’affaires de 870 millions d’euros (+ 2,3 %), la croissance étant surtout portée par les marques Orangina (+ 10 %) et Pulco (+ 30%). Répondant aux attentes des consommateurs se tournant vers des boissons moins sucrées, plus naturelles, sans colorant, ni arôme artificiel, Orangina affiche un taux de sucre réduit de 20 % en dix ans, selon la marque. L’objectif se poursuit en ce sens, à l’horizon 2020, Orangina Suntory France ayant réalisé d’importants investissements (notamment promotionnels), en tablant sur une croissance continue (de l’ordre de 4 à 6 %) sur ce marché en voie de stabilisation.

La marque Orangina se situe aujourd’hui à la seconde place du marché hexagonal des boissons non alcoolisées (derrière Coca-Cola), et à la première sur le marché des boissons gazeuses aux fruits (55 % de part de marché), très populaire également dans plusieurs pays d’Europe, et à moindre degré en Amérique du Nord. En 2021, le soda à base de jus d’agrumes « Made in France » est présent dans plus de cinquante-trois pays dans le monde, la petite bouteille ronde poursuivant ainsi sa folle épopée, près de soixante-dix ans après sa création.

J. D.

 

 

 

 

 

 

 

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