Accueil Electricité Une histoire du secteur énergétique français : Electricité de France (EDF)

Une histoire du secteur énergétique français : Electricité de France (EDF)

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Fondée le 8 avril 1946 (suite à la loi de nationalisation des entreprises françaises de production, de transport et de distribution d’électricité et de gaz), la société EDF est aujourd’hui le premier producteur et distributeur d’électricité en France. Au lendemain de la libération, c’est la difficile tâche de la reconstruction / consolidation des réseaux électriques, ainsi que celle de la maintenance, l’entretien et le développement des centrales électriques que se voit confier EDF.

Le groupe alors étatisé accompagne la reconstruction de la France après-guerre, l’essor de la période dite des « Trente Glorieuses » (1946-75), assurant pleinement sa mission de service public, en multipliant les offres et services destinés aux particuliers, aux collectivités et aux entreprises. EDF se lance également dans le choix stratégique du nucléaire, dans les années 1970. Le groupe diversifie son offre et commence à exporter son savoir-faire à l’étranger dans les années 1980.

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Dans les années 1990 et 2000, le secteur électrique français connaît de profonds changements, avec en particulier la déréglementation énergétique dans l’Union européenne. Parallèlement, le groupe EDF renforce sa présence internationale. Suite à une directive européenne de juin 2003, le groupe change de statut et devient une société anonyme à capitaux publics le 19 novembre 2004. EDF fait son entrée en Bourse le 21 novembre 2005. Depuis 2007, en France et partout en Europe, l’ensemble des marchés de l’énergie sont ouverts à la concurrence. 

Soixante-quatre ans après sa naissance, EDF (devenu un groupe privé) est désormais l’un des leaders mondiaux de la production, de la commercialisation et de la distribution d’électricité avec 37,7 millions de clients dans l’hexagone. Présent dans plus de trente pays, le groupe emploie 156 168 personnes à l’international en 2011, pour un chiffre d’affaires de 65,3 milliards d’euros (à 57 % réalisés en France et 43 % dans le reste du monde).

EDF poursuit aujourd’hui sa mission essentielle à l’économie de production, transport et distribution énergétique, tout en relevant les nouveaux défis du XXIe siècle, notamment celui du développement des énergies renouvelables. 

Les débuts de l’électricité en France 

A l’origine était « la fée électricité », dont l’aventure débute dans les années 1880 dans l’hexagone. Quelques pionniers commencent à produire de l’électricité pour faire tourner leurs machines, à des fins industrielles. Progressivement des sociétés privées se développent pour produire, transporter et distribuer l’énergie nouvelle. Au début du XXe siècle, les villes françaises s’éclairent progressivement, à des fins d’usage domestique. Les usages de l’électricité se diversifient.

Les premières interconnexions esquissent le réseau de distribution d’électricité à haute tension française, dont le centre névralgique est la région parisienne. Au nord la production s’appuie sur le charbon, au sud et à l’est sur l’eau des barrages (ce que l’on appelle la houille blanche). Cette période voit notamment s’opérer des accords inter-firmes de nature synergétique, ainsi que l’émergence de vastes organisations socio-professionnelles inter-sectorielles, aussi bien privées que para-gouvernementales.

Une intervention significative du secteur bancaire et financier français est à constater. Les banques et marchés financiers étrangers (notamment nord-américains, belges et helvétiques) apportent également des capitaux au secteur de l’électricité. C’est également le début de l’intervention étatique, notamment via les divers programmes d’électrification (rail, zones rurales…).

lampe Philips - Le soleil sous votre toit - illustration de Orsi ...Tungsram Radio advertising poster, 1936 | Affiche, La fée ...

Concernant cette question de la rationalisation opérée au niveau de ce secteur à l’époque, il convient d’évoquer le cas de l’Union d’Electricité (UDE). C’est la manifestation d’une intervention de l’Etat, dans un objectif de rationalisation sectorielle à l’échelle nationale. Créée en août 1919, l’Union d’Electricité (UDE) constitue un cas ayant son importance au niveau des réseaux concessionnaires de distribution d’électricité. En amont, il convient de resituer brièvement la situation économique de la France après-guerre, au lendemain du traité de Versailles.

Dans le cas de la France, il y a une reconstruction, à la fois immobilière (toute la moitié nord-est du pays est dévastée, détruite, en ruines) agricole et industrielle. Contrairement à la Belgique et à l’Allemagne qui sont des pays qui ne sont pas ou peu détruits, avec juste une reconstruction économique. La France mettra dix ans à se reconstruire. Compte tenu du fait, que les assureurs excluent de leur contrat en général, les faits de guerre, le Parlement vote donc une loi de solidarité qui touche les départements concernés par les combats. 

Ceci étant dit l’Etat a lui-même des difficultés financières, l’argent liquide parfois n’arrive qu’en 1924-25-26-27, en résultant des problèmes financiers. Il s’y ajoute des difficultés techniques, les grues, par exemple, ne se généraliseront qu’en 1925. Techniquement, il n’y a pas de bulldozers. On procède avec des méthodes artisanales. On construit des immeubles comme on le ferait pour des maisons à un étage ou sans étage avec des échafaudages. Le terrain est donc déblayé à la pioche. En moyenne, les maisons détruites ont plus de cent ans.

De plus, il existe des types de constructions régionales. Arras constitue un cas de reconstruction respectueuse des traditions architecturales locales, mais ce n’est pas le cas partout. Juridiquement, il faut parfois deux, trois, quatre ans. En plus, parfois les propriétaires sont morts avec des héritiers aux quatre coins de la France. Ce qui fait qu’Arras, Péronne ne sont pas reconstruits avant 1925. La France a ainsi connu deux guerres et deux reconstructions. La reconstruction d’après 1914-18 est traditionnelle (avec des fours à l’ancienne) et patrimoniale de 1918 à 1924.

Après 1918, il faut tenir compte cependant de l’éclairage des rues, ainsi que des voitures. On passe à l’éclairage électrique progressivement, beaucoup de rues bénéficiant d’un éclairage au gaz avant 1914. On ne revient pas aux maisons de 1840, même si elles en ont l’air, mais on équipe les nouvelles habitations avec l’eau courante, l’électricité, etc… Un maquillage s’opère. La guerre constitue une sorte de tranchée qu’il faut refermer. Autant que faire se peut, il faut construire à l’endroit. Cette situation a débouché sur une forte concentration du secteur, dominé par l’Union d’Electricité.

Fondée en 1919 par Ernest Mercier, l’Union d’Electricité était, selon les sources, le premier ou le second groupe privé de distribution et de production de l’électricité dans l’entre-deux-guerres en France, derrière ou devant l’Energie Industrielle.

Le développement du secteur électrique français dans l’entre-deux-guerres

Dans les années 1920, très discrètement, l’Etat développe sa fonction sociale. C’est l’époque où l’on crée le ministère de la Santé, qui doit surveiller l’état sanitaire de la population (d’autant plus que la grippe espagnole a tué des millions d’hommes, de femmes et d’enfants). C’est dans ce cadre d’après-guerre, que doit se situer la création de l’Union d’Electricité (UDE), précédemment citée, le 25 août 1919. Elle réunit « les principales sociétés » concessionnaires de distribution d’électricité, essentiellement de la région parisienne.

Dans les années 1920, pour faire face aux besoins, on construit des centrales au charbon de plus en plus puissantes et des barrages toujours plus impressionnants. Le secteur français de l’électricité est un marché en plein essor à la fin des années 1920 et au début des années 1930, plus particulièrement. Ainsi durant cette période, une certaine effervescence voit le jour autour d’un domaine d’activités devenu de plus en plus attractif. Ce secteur est l’objet d’une rationalisation à l’échelle hexagonale.

Dans l’entre-deux-guerres (environ une trentaine d’années après les débuts de l’électricité), deux cent entreprises privées assurent la production, une centaine le transport et plus de mille la distribution de l’électricité en France. L’approvisionnement et les tarifs de l’électricité sont alors très différents selon les prestataires et les régions.

L’épisode de la crise des années 1930, suivi de la douloureuse épreuve de la défaite de mai-juin 1940 et de l’occupation jusqu’à la libération, comme au niveau de toute l’économie française, auront bien-sûr leurs répercussions. Malgré les destructions, les pénuries et les contraintes, l’UDE a rempli sans défaillance sa mission de service public, toujours sous l’impulsion de son président Ernest Mercier, co-fondateur d’Alsthom.

En 1932, Pierre-Marie Durand incite ses directeurs d’exploitation à acquérir des actions de l’Energie Industrielle, via une holding, « La Participation Industrielle », dont les 25 millions de francs de capital sont réservés au personnel. Avant EDF, l’engouement boursier pour l’électricité entre-deux-guerres (dopé par la multiplication par huit de la production hydro-électrique dans les années 1920) a engendré un besoin d’interconnexion électrique et débouché sur une forte concentration du secteur, dominé par l’Union d’Electricité, leader français avec 2 milliards de francs d’actifs en 1939, devant l’Energie Industrielle et ses 1,3 milliard de francs d’actifs.

En partenariat avec l’Energie Industrielle de Pierre-Marie Durand, le groupe Alsthom a créé la Société des Forces Motrices du Cantal pour construire l’usine électrique du Barrage de Saint-Etienne-Cantalès, qui sera construit sous l’occupation (de 1940 à 45) sur une hauteur de 69 mètres, pour donner naissance au plus grand lac artificiel d’Auvergne. Mais la France reste un pays où l’on consomme peu d’électricité. Et dans les régions à habitat dispersé, nombreux sont les Français qui n’y ont pas accès.

La crise des années 1930, puis la seconde guerre mondiale ralentissent encore l’électrification du territoire. A la libération, l’économie française est exsangue. De nombreuses centrales sont à reconstruire. Un large consensus dirige le secteur de l’énergie vers la nationalisation. Ce qui conduira ainsi progressivement à la loi du 8 avril 1946 créant Electricité de France. Cette nationalisation a plusieurs buts : rationaliser les efforts, redresser le pays, moderniser les structures. 

L’après-guerre et le CNR : l’acte de naissance d’EDF

Au lendemain de la libération, c’est la reconstruction (dite « hard french » par les Américains) et dont le port du Havre constitue « le meilleur exemple ». On passe à l’éclairage électrique progressivement, jusqu’au milieu des années 1950, à la disparition définitive des becs à gaz au profit des lampadaires électriques, au niveau de l’éclairage public. Après 1945, l’idée est différente. D’ailleurs on veut changer le monde, car avant-guerre c’était quoi : les ligues, la tension anti-parlementariste, les scandales politico-financiers, Hitler et le nazisme, la crise de 1929.

Dès le lendemain de la guerre, 90 % des foyers français profitent déjà de l’électricité pour l’éclairage et le branchement de petits appareils électroménagers et la création d’un service public unique de l’électricité devient alors une nécessité. La conviction du Conseil National de la Résistance suit les principes communistes de nationalisation et d’économie planifiée notamment sous l’impulsion de l’ancien résistant et député Pierre Villon (1901-1980).

Il est mis en avant la nécessité du « retour à la nation des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques ». Ceci inspire nettement le projet porté à l’Assemblée par le député communiste Marcel Paul (1900-1982), qui entendait dès 1945 « agir efficacement au maintien, au renforcement de l’union de toutes les forces patriotiques, à l’union entre eux des groupements de la Résistance, à la réalisation de la grande mobilisation en faveur et pour l’application du programme du CNR ». 

Il faut gagner la bataille de la nationalisation de l’Electricité et du Gaz. La nationalisation apparaît donc comme « une oeuvre de libération » qui doit permettre de « développer la production de notre pays » : le large vote en sa faveur est dû à cette considération largement répandue après-guerre que l’énergie constitue en premier lieu un bien public et qu’à ce titre, sa gestion ne peut demeurer dans les mains de sociétés privées. En atteste la déclaration du syndicaliste et député Marcel Poinboeuf (1889-1974) à l’Assemblée, s’exprimant pour ses collègues du MRP et qui rappelle que le mouvement républicain donne sa voix afin « de tendre à supprimer une partie des abus du régime capitaliste ».

L’abbé Pierre (1912-2007), membre du MRP, donne sa voix pour l’occasion et rappelle la nécessité de dépasser la notion de clivage au nom de la « confiance » en la République qui, « si elle n’existait pas, [conduirait] immanquablement à un échec qui ne pourrait que ramener rapidement la réaction et le renforcement d’un régime contre lequel nous avons tous lutté » (en référence à la Résistance), rappelant le caractère unanime de la loi de nationalisation qui dépasse les clivages gauche-droite. Le 8 avril 1946, la loi de nationalisation du gaz et de l’électricité transfère les actifs et les services de l’UDE au service national d’EDF.

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L’établissement public à caractère industriel et commercial EDF a été créé le 8 avril 1946, à la suite du vote de la loi n° 46-628 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz, par 491 voix pour (PC, SFIO, MRP, Radicaux, UDSR) et 59 contre (Parti républicain de la liberté, Républicains indépendants et divers droites), sur proposition de Marcel Paul, alors ministre de la production industrielle. Le projet de loi, inspiré par le Conseil National de la Résistance, décidait la nationalisation des biens de 1 450 entreprises de production, de transport et de distribution d’énergie électrique. La loi du 8 avril 1946 instituait en France un monopole de concession sur la distribution. 

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Marcel Paul (1900-1982)

Elle permet toutefois aux entreprises locales (régies, SICAE et sociétés d’économie mixte), de continuer leurs activités, un monopole de production pour les installations de production d’une puissance supérieure à 8 MVA (l’article 8 de la loi prévoyant des exceptions pour la SNCF, les régies et les Charbonnages de France). EDF doit fédérer des équipes issues de centaines de sociétés privées de production, de transport et de distribution. La culture EDF s’affirme à travers la création d’écoles professionnelles, d’un statut avancé pour le personnel et de la mission de service public. Le gouvernement confie un grand programme de construction à la jeune entreprise.

On lance l’édification de nouveaux barrages. Des centrales thermiques sont modernisées. Ces premières tâches relèvent de l’urgence. La France souffre toujours de pénurie d’électricité. Les salariés d’EDF se mobilisent. En 1946, c’est la création par décision gouvernementale d’un monopole d’Etat. La France est libre. Mais tout est à reconstruire. La mission d’EDF est inscrite dans ses gènes dès l’origine : nous sommes des bâtisseurs d’avenir.

Un service public est élevé au rang de priorité nationale. Le premier président d’EDF est le polytechnicien et ingénieur des ponts et chaussées Pierre Simon (1885-1977) de 1946 à 47, suivi de l’ingénieur Etienne Audibert (1888-1954) de 1947 à 49, puis de Louis Escallier (1883-1965) de 1949 à 52, inspecteur des finances de formation, qui fut auparavant gouverneur de la Banque d’Algérie puis président du Crédit Lyonnais.

La mission d’EDF : la poursuite de l’électrification de la France

En 1947, la première grande tâche du Groupe EDF est de reconstruire entièrement le réseau du transport. Dans les années 1950, la France entame de grands chantiers grâce au plan Marshall qui assure 36 % des dépenses d’investissement d’EDF de 1948 à 1952. La croissance de la consommation d’électricité nécessite la construction d’infrastructures de production et de transport de grandes capacités. 

Dans les années 1950, la toute jeune EDF poursuit l’électrification du territoire. Désormais, tous les Français doivent avoir accès à l’électricité. A cette époque, dans certaines zones isolées, seuls deux habitants sur trois y ont accès. L’électrification de la France ne s’effectuera que dans les années 1960. Sur les lignes de transport longue distance à haute tension est adopté le 220 000 volts. L’argent du plan Marshall est d’abord investi dans l’édification de nouveaux barrages hydro-électriques.

Ces ouvrages gigantesques sont fièrement baptisées les cathédrales des temps modernes. L’énergie hydroélectrique présente deux avantages. Elle est renouvelable et nationale. Une soixantaine de géants de fer et de béton sont mis en service, en moins de dix ans. En 1953, le village de Tignes disparaît à tout jamais sous les flots lors de la mise en eau du barrage, inauguré le 4 juillet par le président Vincent Auriol. 

Résultat de recherche d'images pour "plan marshall"TSTMG. Thème 1. HISTOIRE. Les relations internationales de 1945 à ...

Un autre village construit plus en hauteur deviendra une station de ski. L’aménagement de la Durance modifie le visage de plusieurs régions, permettant la production de milliards de kw/h et l’irrigation de toute la Provence. Les grands lacs des barrages réservoirs deviennent des hauts-lieux touristiques. En 1959, c’est la construction du barrage de Serre-Ponçon (Hautes Alpes), en 1960 celle du barrage de Roselend-Savoie. EDF reconstruit le réseau, répond aux nouveaux besoins, qui sont immenses.

Les grands barrages sortent de terre. Ils deviennent des monuments inscrits dans le paysage national. Avec l’électricité, chaque famille, chaque coin du territoire, entre dans le monde moderne. C’est la période de la présidence de Marcel Flouret à la tête d’EDF de 1952 à 62. Chez EDF, la conviction d’oeuvrer pour le bien commun est si forte qu’elle laisse à ceux qui ont vécu cette aventure, le souvenir d’une épopée. Aujourd’hui, la France est le deuxième producteur européen d’hydro-électricité, juste derrière la Norvège, avec quelques 200 barrages et 530 centrales hydro-électriques.

Mais les barrages ne sont pas suffisamment nombreux pour faire face à la demande d’une France alors en plein boom économique. C’est l’euphorie de la croissance. Le pays connaît une période euphorique avec une croissance de l’économie mondiale et de la France de 5,3 %  par an. Les Français s’équipent de téléviseurs, réfrigérateurs, appareils électroménagers en tous genres.

10 affiches historiques sur l'électricité

La demande en électricité poursuit sa folle croissance au rythme du doublement de la consommation tous les dix ans. Mais comme l’électricité ne se stocke pas et que la production doit toujours être au même niveau que la consommation, il devient nécessaire de construire de nouvelles centrales thermiques. Porcheville, Vitry 2, Champagne sur Oise sortent de terre.

Les centrales thermiques deviennent indispensables pour répondre aux variations de consommation des clients d’EDF. Certaines centrales continuent de fonctionner au charbon, d’autres utilisent un fioul toujours plus concurrentiel, d’autres encore le gaz naturel en provenance de Lacq. Et comme les besoins des Français sont toujours plus importants, il est nécessaire de passer au standard européen. En 1960, EDF fait le choix du 220 volts, avec la loi du 21 décembre.

Les « Trente Glorieuses » et le défi du développement du nucléaire

Dans les années 1950, la France est en plein boom économique. Les salons des arts ménagers attirent les foules et au coeur de cette révolution, l’électricité. A l’époque, l’abonné d’EDF n’est toujours pas perçu comme un client. Mais durant cette période de forte croissance dite des « Trente Glorieuses », EDF accompagne les usages de l’électricité. EDF envoie ses conseillères ménagères sur les routes, afin de vanter les mérites d’un boeuf bourguignon cuit sur plaque électrique ou d’une bonne douche à l’eau chaude, tous les matins.

Des conseillères ménagères enseignent dans les écoles l’usage de l’électricité dans la vie quotidienne. Succèdent à la tête d’EDF, plusieurs présidents successifs, qui vont poursuivre cette mission de développement, dont l’ingénieur Roger Gaspard (1902-1982), de 1962 à 64 (qui fut directeur général de 1947 à 62), l’ingénieur Pierre Guillaumat (1909-1991), de 1962 à 64, puis l’économiste et haut-fonctionnaire Pierre Massé (1898-1987) de 1964 à 69. Le siège social d’EDF est situé, depuis plusieurs décennies au 22-30 avenue de Wagram, dans le 8e arrondissement à Paris.

Certains freins subsistent toujours, pas toujours techniques mais aussi psychologiques. Les usagers craignent d’additionner les appareils, de peur de faire sauter les compteurs, d’où la célèbre opération du compteur bleu en 1963, non destiné à enregistrer la consommation, mais en vue d’une augmentation de la puissance chez les abonnés. 

Le succès est phénoménal. On en installe 70 000 tous les mois. Le compteur bleu devient l’un des symboles de l’accession des Français au confort électrique donc à la modernité. Bientôt le four électrique, la machine à laver, le réfrigérateur, le grille-pain et toute une foule d’objets envahissent la cuisine. 

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Le salon se transforme en pièce à vivre organisée autour de la télévision, achevant de transformer les Français en consommateurs électriques. Dans les années 1960, la consommation d’électricité continue de progresser à une vitesse vertigineuse. Les chercheurs d’EDF explorent diverses solutions pour satisfaire les besoins des Français. Déjà les recherches concernent les énergies renouvelables. L’estuaire de la Rance s’ouvre à un puissant mouvement de marée, d’où l’installation d’une usine à l’énergie des mers.

En 1966, de Gaulle inaugure l’usine marémotrice de la Rance. En 1968, c’est la mise en service de la première unité au fioul de la centrale thermique de Porcheville (Yvelines). En 1963, EDF 1 produit ses premiers kwh. Comme celles qui suivront, la première centrale nucléaire de Chinon produit un procédé à uranium naturel de conception 100 % française. Celui-ci est progressivement abandonné à la fin des années 1960 au profit d’une filière américaine dite TWR à uranium enrichi. Les « Trente Glorieuses » sont en marche.

Affiche edf 1971 - Affiches | Rakuten

Cette période voit s’ouvrir le règne du haut-fonctionnaire Paul Delouvrier (1914-1995), l’un des principaux artisans de la planification, qui fut président d’EDF de 1969 à 79. C’est une course. Tout le monde veut grandir : collectivités, clients particuliers… EDF relève le défi. Au début des années 1970, le confort devient électrique. Le chauffage électrique intégré est lancé en 1971. EDF entre alors pour la première fois en concurrence directe avec les autres énergies : le gaz et le pétrole.

En 1973, le premier choc pétrolier provoque le quadruplement du prix du pétrole. C’est le tournant de la crise pétrolière. Pour EDF, c’est une nouvelle bataille à gagner. Après des années de croissance, la France est soudain plongée dans la crise pétrolière de 1973. Il est suivi d’un second choc pétrolier en 1979. Le pays fait alors le choix du nucléaire pour assurer son indépendance énergétique. En 1974, le premier ministre Pierre Messmer annonce le lancement d’un grand programme électro-nucléaire de 13 centrales nucléaires de 1000 kwh chacune.

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Ce programme est associé à un programme d’économie d’énergie sans précédent. La série des nouvelles centrales commence par Fessenheim en 1977, suivi de bien d’autres comme Buget ou Gravelines. Cet effort colossal va s’appuyer sur le soutien de tous les gouvernements successifs et de tous les personnels d’EDF. Il en va de l’indépendance énergétique du pays.

En un temps record, nous bâtissons le parc nucléaire français : Gravelines, Paluel, Fessenheim, Civaux et bien d’autres pour assurer l’indépendance énergétique du pays. Les années 1970 sont aussi celles du tournant commercial pour EDF. Les électriciens ne parleront plus d’abonnés mais de clients. Le 19 décembre 1978, une panne géante due à une défaillance du réseau de transport prive d’électricité une partie de la France durant toute une journée. De nouvelles centrales apparaissent alors nécessaires pour faire face à la demande.

Il faut accompagner l’explosion des usages. Frigidaires, télévisions, ordinateurs… la consommation se démocratise. EDF modernise son réseau de transport et diversifie son parc de production pour accompagner la croissance des besoins en électricité. Comme la France croit beaucoup au solaire, EDF et le CNRS expérimentent en 1983 la centrale solaire de Thémis dans les Pyrénées. Des miroirs géants concentrent les rayons du soleil pour produire de l’électricité. Première expérimentation grandeur nature qui contribuera aux avancées des énergies photovoltaïques.

Le XXIe siècle, les énergies nouvelles et le défi du développement à l’international

Parallèlement, le nucléaire demeure au coeur de la politique de la France, qui se dote en une quinzaine d’années de 48 réacteurs. EDF devient le premier exploitant au monde. C’est la présidence à la tête du groupe de l’économiste, mathématicien et haut-fonctionnaire Marcel Boiteux de 1979 à 87 (qui fut également directeur général de 1967 à 79), à savoir l’un des artisans du développement de l’industrie nucléaire en France. Dans les années 1980, de nombreuses entreprises du secteur électrique dans le monde sont privatisées ou ouvertes au secteur étranger.

Pour EDF, c’est le début de l’internationalisation. L’entreprise prend des participations importantes dans différentes sociétés en Amérique du sud et en Europe. En 1984, EDF inaugure sa première centrale électrique à l’étranger, à Daya-Bay, en Chine populaire. Au fil des années, son alliance avec les constructeurs et partenaires chinois prend de l’ampleur.

Avec les Britanniques, ils inaugurent une interconnexion à courant continu baptisée IFA 2000. La France exporte en partie son électricité. Plusieurs dizaines de km de câbles marins sont à enfouir dans la craie, à travers l’une des mers les plus difficiles et les plus fréquentées du monde pour interconnecter les deux réseaux. Progressivement, les énergies fossiles commencent à quitter la scène.

Les centrales thermiques les plus anciennes sont ralenties, stoppées, souvent déconstruites. Au milieu des années 1990, le service client devient l’une des préoccupations de l’entreprise. EDF met le service au coeur d’une campagne de publicité. Les dirigeants se succèdent à la tête d’EDF, avec l’ingénieur Pierre Delaporte (1928-2014) de 1987 à 92, puis le haut-fonctionnaire Gilles Ménage (1943-2017) de 1992 à 95, suivi d’Edmond Alphandéry (1943- ) de 1995 à 98 et enfin le haut-fonctionnaire François Roussely (1945- ) de 1998 à 2004.

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Fin décembre 1999, deux tempêtes d’une ampleur exceptionnelle ravagent la France. La notion de service public prend ici tout sons sens. Sur le terrain, les équipes d’EDF sont en première ligne pour rétablir le courant. L’événement a pour conséquence une meilleure organisation des renforts, avec la création de la FIR, la force d’Intervention Rapide électricité. La tempête du siècle accélère également l’enfouissement des réseaux.

Aujourd’hui, plus de 40 % des lignes sont enfouies. Au début du XXIe siècle, le marché de l’électricité s’ouvre à la concurrence. EDF devient une société anonyme en 2004, l’Etat reste majoritaire à hauteur de 84 % du capital. C’est alors la présidence de Pierre Gadonneix (1943- ) de 2004 à 2009, suivie de celle d’Henri Proglio (1949- ) de 2009 à 2014 et enfin de celle de Jean-Bernard Lévy (1955- ) depuis 2014, tous trois issus du privé.

En 2005, l’entrée en bourse met fin au principe de spécialité. Alors si EDF peut également commercialiser du gaz, elle est concurrencée au niveau de la production et la commercialisation depuis le début des années 2000. Deux filiales sont créées : RTE en 2000 et ERDF en 2008. Elles assurent respectivement la gestion du réseau public de transport et de distribution d’électricité en France.

Dans le même temps, le groupe continue de se renforcer au Royaume-Uni, en Italie et en Belgique. EDF participe aussi à de grands projets hors d’Europe : la centrale hydraulique de Long Tsen au Laos, les centrales nucléaires de Ligao et de Taishen en Chine, de centrales solaires aux Etats-Unis et en Inde. L’entreprise crée des parcs hydroliens, éoliens, terrestres et off-shore, ceci pour un mix énergétique équilibré et une production d’énergie bas carbone.

Aujourd’hui, le groupe EDF est présent dans plus de trente pays et son chiffre d’affaires est généré à plus de 45 % hors de France. Dans le domaine du nucléaire, EDF lance une 4e génération de réacteur. L’EPR en construction à Flamanville produira plus d’électricité que n’importe quel réacteur au monde : 1 650 MW, de quoi alimenter plus d’un million de foyers. Parallèlement, le groupe investit dans les énergies du futur. Accueillir des énergies intermittentes, comme le photovoltaïque ou l’éolien et intégrer les nouveaux usages tels la voiture électrique nécessitent d’adapter les réseaux nés au XXe siècle. 

C’est pourquoi EDF raisonne aujourd’hui en terme de villes et de réseaux intelligents : smart cities, smart grids. Soixante-quatorze ans après sa création, EDF est l’un des leaders mondiaux de la production, de la commercialisation et de la distribution énergétique, avec 37,7 millions de clients en France, le groupe employant 156 168 personnes dans le monde pour un chiffre d’affaires de 65,3 milliards d’euros réalisés à 57 % en France et 43 % à l’étranger, dans plus de 30 pays.

L’avenir du groupe compétitif à l’échelle mondiale, s’inscrit désormais au coeur d’une politique de transition énergétique, de développement durable et de lutte contre le réchauffement climatique, pour une croissance énergétique bas carbone et responsable, en ce début de XXIe siècle mondialisé.

 J. D.

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